Vous pensez que colorier un joli mandala équivaut à pratiquer de l’art-thérapie ? Vous faites un amalgame entre cette méthode et la pratique de l’art journaling ? Ou encore, vous croyez qu’il faut savoir dessiner pour en bénéficier ? Tous ces lieux communs et autres mythes vous ont induite en erreur, et finalement vous vous rendez compte en me lisant que vous ne savez absolument pas en quoi consiste l’art-thérapie. Mais alors qu’est-ce que c’est ?
Je dois vous avouer que moi aussi, cette thérapie m’interpelle depuis quelque temps déjà, sans vraiment savoir de quoi il s’agit. Si Alice lit ces lignes, elle va avoir les yeux qui lui sortent de la tête. Alice Albertini est mon invitée pour ce 7e épisode du podcast « Le bonheur me va si bien ». Elle est art-thérapeute certifiée à Montréal, au Québec. Elle milite pour faire connaître la thérapie par l’art. Alice reçoit principalement des femmes en rendez-vous individuel et anime des ateliers créatifs, en petit comité. Au cours de cette discussion, elle éclaircit pour nous le terme d’art-thérapie et en explique les bénéfices. À la fin de cet échange, vous saurez en quoi une séance peut vous aider à lâcher prise, ou encore à travailler sur votre confiance en vous.
Qu’est-ce que l’art-thérapie exactement ?
Redécouvrir son moi intérieur
Un jour, Alice a compris qu’interpréter ses rêves avec un thérapeute ouvrait de nombreuses possibilités. À travers des dessins tirés de ses rêves, elle a appris à mieux se connaître. Elle a redécouvert son moi profond. Tout ce travail sur les rêves lui a permis d’évoluer et de changer profondément sa façon de voir le monde. Elle a progressivement donné une place plus importante à ce moi authentique. À partir du moment où elle a écouté sa voix intérieure, celle qui veut créer des choses pour les montrer au monde, Alice a découvert un pouvoir personnel et des possibilités incroyables : se servir de sa créativité pour s’exprimer.
« C’est un peu comme si la créativité était mon guide. »
Et l’art-thérapie dans tout ça ?
C’est une profession paramédicale qui se développe depuis une quarantaine d’années. Elle a un impact incroyable sur la santé physique, émotionnelle et psychologique des gens. En thérapie « classique » , la personne parle de ses problèmes. Mais en thérapie par l’art, la personne va créer quelque chose de ses mains, en lien avec son vécu, ses souffrances, ses difficultés. Ensuite, le thérapeute l’interroge sur son ressenti par rapport à cette création. La réalisation artistique, contrairement aux idées reçues, n’a pas pour but de répondre à des consignes, d’être jolie, ou même terminée. C’est vraiment un reflet de l’âme de la personne. Il est possible de travailler sur plein de problématiques comme un traumatisme, une maladie grave, faire baisser l’anxiété, rehausser la confiance en soi, surmonter un deuil, une rupture, etc. Avec la Covid, beaucoup de gens sont isolés, anxieux. Le fait de faire de l’art-thérapie à distance a un impact positif sur eux.
« C’est vraiment profond. On ne s’en rend pas compte. »
À ne pas confondre avec l’art journaling
Ce sont vraiment des occupations très différentes. Ce qu’il faut comprendre avec l’art-thérapie professionnelle telle qu’Alice l’explique, c’est que la personne qui crée est accompagnée. Il y a la relation thérapeutique, mais aussi le cadre autour de la personne qui permet d’aller plus en profondeur dans ses difficultés.
Par contre, si vous faites de l’art journaling – ou journal créatif – à la maison, c’est très bien. Vous exprimez des émotions, vous écrivez ce que vous vivez. Mais ce n’est pas de l’art-thérapie. Vous n’êtes guidée dans votre créativité par aucun thérapeute.
La formation d’art thérapeute
C’est rassurant de savoir qu’il y a ce genre de diplôme obligatoire, derrière le mot art-thérapie. Le diplôme permettant d’exercer en tant que praticien en Amérique du Nord et au Québec est bien plus exigeant qu’en France. Il faut une maîtrise universitaire, assortie de 1000 heures de stage avec des personnes vulnérables. Le tout est validé par un mémoire et des supervisions.
En France, on peut distinguer l’art-thérapie classique de l’art-thérapie moderne. La première est une spécialisation sur fond de formation en psychothérapie ; tandis que la seconde dépend du secteur paramédical. Il existe donc deux types de diplômes pour devenir art-thérapeute, le diplôme universitaire dispensé par la faculté de médecine et la certification d’art-thérapeute.
Comment se passe une séance de thérapie par l’art ?
Le déroulement
Une session individuelle dure une heure et se déroule selon des étapes bien définies :
- Avant la séance d’art-thérapie, il y a une rencontre pour se connaître. La personne explique la difficulté, la souffrance qu’elle rencontre. L’art-thérapeute décide alors s’il est habilité à l’aider. Si ce n’est pas le cas, il lui conseille un autre professionnel. Il y a une entente de confidentialité. Ensuite, un rendez-vous est pris.
- Lorsque la personne arrive, Alice lui demande comment elle va. La patiente va alors parler de son vécu, des difficultés, etc. C’est un moment d’écoute.
- Ensuite, elle va être invitée à créer. La principale différence entre un rendez-vous en présentiel et une session en ligne réside dans le matériel à disposition. En présentiel, la personne dispose d’un matériel très varié pour élaborer sa création. Évidemment, chaque bureau de thérapeute est différent, mais généralement, il dispose d’une belle collection de matériel comme de la peinture, des crayons de couleur, du collage, du bricolage, des feutres, des éléments naturels à coller, etc. La patiente choisit ce qui l’attire puis crée une réalisation en lien avec ce qui a été abordé pendant le temps d’écoute.
- La personne bascule alors dans un processus créatif qui n’est pas du fait de la pensée cartésienne. Elle lâche prise. La magie opère. Il y a un silence. L’art-thérapeute est présent, écoute, observe, mais n’intervient pas. Cela peut durer entre 10 minutes et 40 minutes, cela dépend vraiment de chacun. La personne est totalement absorbée par ce qu’elle fait. Mais un autre langage se développe, celui de l’inconscient à travers l’image qui est en train de naître à ce moment-là. Le thérapeute observe beaucoup le processus créatif, et aide la personne à ne pas juger ce qu’elle crée : « Ce n’est pas beau ! » , « C’est pas ça que je voulais faire ! » .
- À partir de ce moment, la création est mise à distance et observée. Elle commence à révéler des informations aussi bien au praticien qu’à la patiente. L’art-thérapeute va l’interroger sur ce qui s’est passé en elle quand elle était en train de créer. Un dialogue s’établit. Plein de choses intéressantes ressortent alors.
- La durée d’une thérapie dépend de nombreux critères comme la souffrance travaillée, la complexité du besoin, le ressenti de la personne par rapport à cette forme de thérapie, etc. Des fois en une séance, la personne fait une prise de conscience qui lui suffit pour le moment. En tout temps, c’est la patiente qui décide si elle veut continuer ou pas le suivi. Si la problématique est lourde et date de plusieurs années cela pourra prendre de nombreuses séances pour aller mieux.
« Qu’est-ce que te dit ton image ? Qu’est-ce qui se passe en toi quand tu la regardes ? »
Le processus créatif
En créant, vous basculez du mental performant axé sur le monde extérieur vers la pleine conscience du moment présent. Vous lâchez prise en vous accordant un moment pour vous, en dehors de toutes vos responsabilités extérieures. À travers la création, vous donnez une place à votre monde intérieur, vos rêves, votre intuition. Alice explique qu’une séance d’art-thérapie se fait soit avec le cœur, soit avec les tripes, soit avec les deux, mais surtout pas avec les pensées du quotidien.
« Les mots sont étroitement liés au cérébral, à la pensée cartésienne, contrairement à l’image. »
Alice a une approche jungienne et humaniste. Elle est peu directive lors de ses séances d’art-thérapie. Elle pose des questions à la personne pour la faire réfléchir et pouvoir la guider dans son processus. La création révèle des choses profondes. Créer peut faire peur et réveiller un certain manque de confiance en soi, une angoisse face au lâcher prise que cela implique, etc. Il arrive qu’il y ait de la résistance face à la création. Si la personne est un peu bloquée et ne sait pas par quoi commencer, Alice émet des suggestions. Ce sont des invitations qui peuvent déclencher l’inspiration.
Tandis que la séance individuelle laisse libre cours à la créativité de la patiente, les groupes de thérapie créative suivent un objectif. Alice, lors de ses ateliers créatifs, réunit des personnes autour d’une problématique commune comme l’anxiété, le deuil, la prise de confiance en soi, le stress, etc. C’est enrichissant, car les gens se voient, s’entraident et s’encouragent.
L’art-thérapie en pratique
Comment cette thérapie peut-elle aider une personne débordée ?
La société actuelle est basée sur la performance. Chacun est censé fonctionner tout le temps comme une machine. Et les femmes ont une double tâche, car elles sont également mères ou doivent s’occuper de leurs parents, etc. Ce conditionnement à la performance est épuisant.
« Le problème, c’est que nous sommes humaines, on a besoin de se donner du temps pour respirer, du temps pour s’oxygéner et prendre soin de soi. »
Prendre un moment pour soi est vital ! Et ce n’est pas la dernière chose à faire dans la journée sinon le burn-out n’est pas loin. Il faut savoir qu’il y a de plus en plus d’épuisement professionnel. C’est à ce niveau que l’art-thérapie peut aider. En faisant une séance, vous prenez du temps pour vous, juste pour le plaisir de créer sans performer, sans attente de résultat. Cela vous offre une bulle d’oxygène créative où personne n’exige rien de vous. Le silence qui est présent vous permet de vous détacher de l’intelligence verbale. La créativité se met en marche. Vous vous détendez, et cela fait du bien. L’art-thérapie vous aide à relâcher les tensions. Alice explique que c’est souvent à la fin des sessions, que ce soit en groupe ou individuelle, qu’elle entend « Je me sens plus en paix avec mes problèmes. » .
« Et simplement se donner cette bulle d’oxygène créative, cela relâche les tensions. »
Comment cette expérience aide-t-elle une personne qui manque de confiance en elle ?
Beaucoup des personnes qui lisent cet article ont besoin de booster leur confiance en elles. Cela tombe bien. Alice précise qu’il y a une augmentation de la confiance en soi chez les personnes qui font de l’art-thérapie, en plus des problématiques pour lesquelles elles consultent.
En session, le praticien vous propose de faire une expérience pratique. Vous utilisez vos mains pour créer et non votre tête. Au lieu de parler du problème, vous créez quelque chose à partir de celui-ci. L’art-thérapeute vous donne la permission implicite d’imaginer quelque chose sans avoir à réussir quoi que ce soit. C’est un espace d’exploration libre durant lequel vous aurez le courage de tester de nouvelles choses.
Plus vous vous donnez la permission de créer et d’expérimenter, plus vous constaterez votre réussite : « Je l’ai fait ! Ce n’est pas parfait, mais je suis heureuse de l’avoir fait. » . Cela développe chez vous une preuve concrète de vos compétences. Vous pourrez ensuite les transférer dans votre vécu, votre vie, vos relations. Une séance d’art-thérapie, c’est un petit pas à la fois. Cela ne sert à rien de vouloir passer de votre zone de confort à une zone de danger, avancez un pas après l’autre. Ainsi, vous survivrez à cette petite voix intérieure, très critique qui se caractérise par un bon syndrome de l’imposteur ou par d’encombrantes croyances limitantes.
« C’est sortir de sa zone de confort par la créativité, mais dans un cadre sécuritaire. Je n’ai aucun jugement donc elles peuvent l’explorer en étant en confiance. C’est pour ça que ça marche. »
Découvrir l’art-thérapie
Alice milite tellement pour cette thérapie qu’elle prépare un sommet de l’art thérapie francophone qui se tiendra du 29 avril au 03 mai 2021. Son objectif est de donner plus de visibilité et de faire connaître cette pratique, en français et en ligne. Cet événement sur 5 jours réunira des art-thérapeutes professionnels francophones, dont certains ont beaucoup inspiré Alice. Vous pourrez assister gratuitement à 15 conférences, mais aussi à 5 ateliers pratiques. Tous les jours, il y aura un échange en direct avec les conférenciers. Si vous voulez prendre votre temps pour tout regarder – bonus compris – il y a un coffret qui est également en vente pendant 6 mois. Cela vous laisse du temps, si le sujet vous intéresse vraiment.
Un grand merci à Alice pour cette découverte de l’art-thérapie. Cela m’ouvre de nouveaux horizons pour un travail plus en profondeur. Je pense que je n’hésiterai pas, lors de prochains coachings, à diriger mes coachées vers cette pratique si je sens que cela peut les aider. J’espère retrouver Alice en live ou en atelier, car j’ai vraiment envie d’aller un petit peu plus loin avec elle sur ce côté créatif.
Un art-thérapeute est un professionnel qualifié et diplômé, qui saura vous encadrer et vous guider, sans aucun jugement. L’art-thérapie peut vous aider pour tellement de choses. On a parlé de traumatisme profond, de survivant du cancer, de confiance en soi, de lâcher prise, de perfectionnisme, etc. Je vous invite à tester et à venir me dire ce que vous en avez pensé. Pour les plus créatives d’entre vous, mais surtout pour celles qui ont envie d’être créatives, mais n’osent pas l’être pour diverses raisons : lancez-vous, vous n’avez rien à perdre.
Et si vous souhaitez développer votre vie intérieure, je vous propose de découvrir la méthode des 5C.
Merci pour ce bel article qui redonne ses lettres de noblesse à un métier qui en France malheureusement n’est pas encadré et donc a du mal à se faire connaître et reconnaître !
Merci Laure 🙂 Oui en France cette profession est méconnue et confondue avec bien d’autres activités.